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LE PREMIER CONGRES NATIONAL DE SCIENCE- FICTION 

Les préliminaires en furent un petit Festival qui servit en quelque sorte de rodage et qui se tint à Clermont-Ferrand pendant une quinzaine de jours, en avril 1972. Très clermontoise, cette « Quinzaine de la Science-Fiction et du Fan­taStique » recourait à la participation de plu­sieurs salles de cinéma qui passèrent un certain nombre de films. Plusieurs invités y participèrent, dont Jimmy Guieu (qui parla des Ovnis) ou Jac­ques Guimard ou Kurt Steiner (André Ruellan) qui participèrent à des débats, spécialement au­tour d'un des films présentés.

On travailla avec la Faculté et avec les écoles, mais la dispersion des salles entraîna une disper­sion du public, d'où un défaut de synchroni­sation nuisible à la qualité de la réalisation.

Au cours de cette Quinzaine s'était également tenue une importante exposition artistique au­tour de la science-fiction.

Constitué à l'occasion de l'organisation de cette manifestation, le Club « Promotion du Fantastique », se consacra au cinéma et à la littérature fantastique et de science-fiction, s'enrichit et se roda, n'organisa rien en 1973 mais s'occupa activement de son ciné-club. On se cherchait, et à force, très tôt l'an dernier se fixa l'idée d'un congrès que l'on se mit à pré­parer très sérieusement.

Il n'y eut, à ce « Premier Congrès National de Science-Fiction », pas d'exposition artistique « officielle», mais quelques unes organisées par des librairies indépendantes. Le club démarrait en effet, avec des caisses vides, il lui fallait tabler uniquement sur des prévisions. Une exposition pouvait lui coûter cher sans rien lui rapporter sur le plan financier, elle aurait donc constitué un risque supplémentaire et l'on préféra très sagement s'en remettre aux libraires. Quantita­tivement, la partie artistique fut donc moins importante qu'en 1972.

Pendant huit jours, la manifestation demeura essentiellement clermontoise. Jean Sendy vint parler de « La science-fiction, réalité ou fiction », Serge Hutin des « Continents légendaires », Jean Anglade du « Fantastique dans le folklore auvergnat». On projeta aussi une vingtaine de films, dont plus de dix inédits, quelques uns en version française mais la majorité sous-titrés, et un seul: « La Planète des Tempêtes», en version originale (mais le public afflua tout de même).

Mais le week-end clôturant la manifestation prit réellement des allures de Congrès, auquel se déplacèrent de nombreux spécialistes de Paris et d'ailleurs. Arriver à réunir des gens qui font de la science-fiction en France ou qui s'y intéres­sent et qui ne se voient pratiquement jamais sauf à l'occasion justement de rares « rencon­tres » est une assez bonne performance. Et beaucoup de gens vinrent, soit parce qu'étant déjà en relations avec Jean-Pierre Fontana (alias Guy Scovel), l'âme du Club « Promotion du Fantastique), soit simplement pour assister à ce « Premier Congrès National ». Notons que dans le public aussi, des gens vinrent de très loin, de la Côte d'Azur ou même de Turquie.

Il y eut, bien entendu, l'invité d'honneur, John Brunner, accompagné de sa femme Mar­jorie, Gérard Klein (Collection « Ailleurs et Demain»), Pierre Barbet, Jacques Sadoul et Robert Louit (Collection « Dimensions»), Michel Demuth avec son épouse et avec toute l’équipe rédactionnelIe des Editions OPTA, Jean-Pierre Andrevon représentant avec Jacques Bocz­ké, Georges Barlow et Pierre Versins le comité d'organisation de la « Seconde Convention Euro­péenne de Science-Fiction» (début juillet à Gre­noble), Daniel Walther, Frédéric Christian (émis­sions SF à l'ORTF), Jean-François Davy (réali­sateur du « Seuil du Vide» dont la vedette Dominique Erlanger reçut le Prix d'Interpré­tation au Festival de Trieste 1972), Michel Jeury (Albert Higon), Philippe Curval et son épouse (Anne Tronche), Dominique Besse accompagné d'une rédactrice d'Horizons du Fantastique, Daniel Phi (Fondanèche) etc. . .

Des exposés ou conférences étaient program­més mais ne purent pas tous avoir lieu dans leur structure prévue en raison de modifications dans le programme qui nécessitèrent des im­provisations : « Fanzines et science-fiction» de Jean Le Clerc de la Herverie, « Magie et Science­Fiction » de Richard Lescure, « Science-Fiction et Mythes» de Georges Barlow, « La bionique science d'avenir » de Pierre Barbet, « Les ori­gines de la science-fiction moderne» d'Yves Olivier Martin, « Les origines de la nouvelle science-fiction» de Peter Fitting (des U.S.A.), « La science fiction considérée comme mytho­logie » de Jean-Claude Beaune, « Erotisme et science-fiction» de Daniel Walther, « L'illus­tration de la science-fiction aux USA» de Jac­ques Sadoul, « Pourquoi y a-t-il divergence entre la littérature et le cinéma de science-fiction » de Jacques Goimard et une table ronde orga­nisée autour de John Brunner et réglée par Jacques Goimard. Sans oublier un exposé de Boris Eizykman (auteur de l'ouvrage « Science-­Fiction et Capitalisme») sur « Pouvoir et éco­nomie libidinale dans les modalités temporelles de la reduplication et de la science-fiction» ! Tant que ces exposés se bornèrent à être plus ou moins lus, il faut avouer qu'un certain ennui s'en dégageait . Tournant en discussions libres, avec une certaine participation du public, ils furent tout de suite plus captivants.

Les minutes de la table ronde, ainsi que les textes originaux des exposés, seront publiés, dans « Horizons du Fantastique» ou peut-être « Fiction» ou encore divers fanzines.

Composé d'écrivains, de critiques, de direc­teurs littéraires et de simples lecteurs amateurs de science-fiction, un jury décerna au cours d'un cocktail à l'Hôtel Arverne Concorde le Prix du meilleur roman de science-fiction de l'année 1973 à Michel Jeury pour « Le temps in­certain» (Editions R. Laffont) ; un second prix allait aux « Sept soleils de l'archipel humain » de Landry Mérillac (Editions Marabout). Le « Prix de la meilleure nouvelle française de science-fiction de l'année 1973 » récompensait « Réhabilitation» de Gérard Klein, le second prix « Sous les cendres» du même Gérard Klein, les deux nouvelles étant parues dans le recueil « La loi du talion» (Edit. R. Laffont) ; un troisième prix allait à Jean-Pierre Andrevon pour « La princesse myope du building pour­pre» (Revue « Fiction» N° 232) et « Les étoiles en gelée de songe» de Daniel Walther (Revue « Fiction» N° 233).

Le bilan de ce congrès? Des cafouillages, mais des résultats plutôt positifs. Pour une salle de 204 places, il y eut un peu plus de 50 séances de cinéma; on attendait 5.000 personnes, il en vint 10.000 et l'on fut submergé. Pour les con­férences, la fréquentation ne fut que de 40% environ, ce qui est assez normal et même plutôt bien. Il en résulte que le club « Promotion du Fantastique» rentre dans ses frais, sans qu'au­cune subvention lui ait été accordée et que son budget de départ était nul.

La vente des livres augmenta considérable­ment durant cette période et les jours suivants chez les libraires. Au cinéma Le Rio même, plus de 7.000 frs de livres furent vendus. Le titre le plus vendu: « Le temps incertain» de M. Jeury, ainsi que « Brebis galeuse» de K. Steiner, « Tunnel» d'André Ruellan et les livres de John Brunner. La collection la plus demandée et achetée: « J'ai Lu Science-Fiction». Chez Opta, la collection Galaxie-bis a été boudée au profit de la collection « Marginal» et du Club du Livre d'Anticipation (malgré le prix élevé). Perfor­mance moyenne de la collection « Présence du Futur » chez Denoël.

Le public a été « formidable» : discipliné, patient, correct, attentif, surtout les jeunes vers la fin du congrès, car les personnes plus âgées furent sans doute un peu effrayées par les files d'attente. Le public venait en fait de tous les milieux. . . Plusieurs classes secondaires en particulier vinrent aux séances.

Une grande satisfaction donc pour les organi­sateurs. Il fut beaucoup parlé de la manifestation, dans la presse, à la radio et à la télévision. Un point d'interrogation subsiste cependant: y aura-­t-il un club en France pour prendre en charge l'année prochaine un «Deuxième Congrès de la Science-Fiction Française» ? Ou bien Clermont-­Ferrand se succèdera-t-il à lui-même?

J.P. CRONIMUS (Visions sur les Arts n° 88) 

 

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